La presse people reste marquée par les drames et les scandales sur lesquels elle a longtemps reposé. Le milieu se veut aujourd’hui plus éthique qu’auparavant mais se retrouve confronté à une nouvelle concurrence venue d’internet. Comment travailler face à des influenceur·euses qui n’ont pas les mêmes considérations ?
Le blogueur Aqababe, le compte X AlertesInfos, le site Public… En mai 2025, les médias d’influenceur·euses et sites people annonçaient « en exclu » la mort du rappeur Werenoi, avant que l’information ne sorte dans la presse. Son état de santé avait été dévoilé la veille par le premier, puis démenti par le second. Son décès avait finalement été confirmé par son producteur, dans un post sur X repris par l’Agence France-Presse.
Dans un article revenant sur l’affaire, Arrêt sur images fustige les « chasseurs de scoops et les repreneurs d’infos ». Le papier cible les créateur⸱ices de contenus qui se sont emparé⸱es du sujet en s’appuyant sur des sources « réputées fiables ».
Dans l’article, le journaliste d’Arrêt sur images, Loris Guémart estime que, ce jour-là, « l’information a échappé aux médias traditionnels ». Il pointe également du doigt la presse people, prenant l’exemple du magazine Public. Sur son site, le journaliste Clément Garin – autre coqueluche des réseaux – se targuait, lui aussi, d’avoir obtenu une « exclu ».
Les influenceur·euses, succession des journalistes people
L’emballement numérique autour du décès de la célébrité est l’illustration des tares dont souffre la presse people à l’ère des réseaux sociaux. Une nouvelle catégorie de « médias » émerge, à travers les influenceur⸱euses et les créateur⸱ices de contenus. Proches des « stars », elles et ils ne sont pas soumis·es à la même déontologie et leur rôle interroge la profession. « Prennent-ils la place de certains journalistes ? », se demandait France Inter en 2023.
Alors que la plupart des journalistes sont inconnu·es du grand public, les influenceur⸱euses s’appuient sur leur image et leur notoriété personnelle pour avoir la primeur des scoops, créant une nouvelle concurrence dans le milieu. Ces personnalités deviennent elles-mêmes des « people ». Elles sont à la fois le sujet, la source et le média.
Dans ce cadre, les réseaux sociaux prennent une place grandissante parmi les sources des journalistes people. À travers elles et eux, la profession n’échappe pas à des mécaniques de surveillance. « C’est là que tombent beaucoup d’informations. Il faut être à l’affût », raconte Océane Veccia, journaliste chez Voici. La rédactrice explique que le milieu repose « majoritairement sur du travail de desk ». « On regarde beaucoup ce que font les médias concurrents », avoue-t-elle.
La fin de la figure du paparazzi ?
La réalité s’éloigne donc de l’image du paparazzi, emblématique de la presse people. Dans l’imaginaire collectif, elles et ils apparaissent comme une masse informe, cachée derrière les flashs et les objectifs, ou telles des figures de l’ombre, traquant les stars pour leur voler un cliché.
Pour Anaïs*, journaliste chez Gala, ce personnage, « sans foi ni loi, n’existe plus ». Selon elle, les drames liés à ce milieu depuis les années 90 ont marqué un tournant pour la profession. L’un des principaux a été la mort de Lady Diana, harcelée par les photographes, en 1997. Dans les années 2000, l’élément déclencheur a été l’affaire Britney Spears, poussée à bout au point d’être hospitalisée en urgence en 2007. La journaliste atteste que, bien que cet incident ait eu lieu aux États-Unis, « [il] a eu un impact sur notre façon de travailler en France ».
Dans la rédaction de Gala, le cadre légal est explicite. « On a interdiction de montrer les visages des enfants, par exemple. Et si une photo n’est pas libre de droit, on ne peut pas l’utiliser », précise la journaliste. Mais ces améliorations sont loin d’être partagées et tous·tes les acteur·ices du milieu n’avancent pas au même rythme.
En juillet 2025, Mimi Marchand, « papesse de la presse people », a été condamnée pour extorsion à l’encontre de l’animatrice Karine Le Marchand. Son agence de photos, Bestimage, fait aussi polémique. En février 2020, la société levalloisienne avait permis à Paris Match de diffuser des photos de l’arrestation du couple accusé d’avoir publié des vidéos intimes du député Benjamin Griveaux.
De son côté, l’hebdomadaire continue aussi de faire parler. En avril 2025, il avait publié des photos volées de Gisèle Pélicot et de son nouveau compagnon, quelques mois après le procès des viols de Mazan. Une atteinte à la vie privée qui pose question sur les méthodes employées.
Un « incommensurable pouvoir d’attraction »
Mais si l’offre existe, c’est qu’elle doit répondre à une demande. Dans son ouvrage Regard sociologique sur la presse people, publié chez L’Harmattan en 2020, Yannick Duvauchelle, chercheur à l’université d’Aix-Marseille, décortique ces méthodes. Sur l’utilité de ces publications, il écrit qu’elles exercent un « incommensurable pouvoir d’attraction » sur les lecteur·ices grâce à une « disposition ordinaire à l’investigation ». Selon lui, ces titres s’inscrivent dans « un phénomène social plus large. Cet exercice de “bavardage” et de divulgation d’informations qui le caractérise ne lui est plus exclusif. »
À l’ère des réseaux sociaux, ce voyeurisme prend une nouvelle forme et une nouvelle ampleur. Hyperconnectées, les personnalités donnent toujours plus à voir, alimentant une pratique nouvelle : le stalking. La traque discrète d’une personne, en ligne ou dans la vraie vie, et qui constitue parfois du harcèlement. Épier ses gestes, ce qu’elle partage, qui elle suit, qui elle voit…
Une pratique dont la presse people a encore du mal à se détacher, d’autant plus qu’elle gagne en popularité. En septembre 2025, Paris Match a fait une énième sortie en publiant des photos des acteur·ices Adèle Exarchopoulos et François Civil. On pouvait lire dans ses pages que le couple attendait un enfant. Un scoop qu’elle et il se sont empressé·es de démentir et qui relance le débat sur cette traque subie par les célébrités. La presse people, comme les internautes, continue de fouiller la vie personnelle des personnalités pour satisfaire une curiosité grandissante.
Mélanie Bourinet et Yohan Dos santos Fernandes
* Le prénom a été modifié