ÉDITO. Faire face est encore possible

Au Proche-Orient, au Sahel ou même au cœur de nos démocraties, l’information est devenue plus que jamais une arme. Dans un univers ultra-connecté où politiques, influenceur·ses, expert·es et hackers s’improvisent journalistes, les “chiens de garde” de la démocratie ont bien du fil à retordre. En ligne de mire, proposer un journalisme au service des valeurs démocratiques dans un monde toujours plus polarisé et biaisé par des enjeux idéologiques et économiques. Derrière nos écrans, radios et journaux, une guerre de l’information se joue en continu que ni les lois ni les instances de régulation ne réussissent encore à contrôler complètement.

Pour défricher au mieux ce champ de bataille médiatique, nous proposons trois rubriques. La première, Nouvelles armes, analyse les moyens saisis par l’extrême droite pour investir le paysage médiatique. Un processus dans lequel les médias Bolloré ont joué un rôle central.

La deuxième, Cessez-le-feu, entame une réflexion autour de la pratique. Comment faire face à cette guerre lancinante ? Comment les journalistes et les rédactions peuvent-ils se protéger sans se censurer ? Vu d’ailleurs, comment la guerre de l’info se gagne-t-elle à l’international ?

La troisième et dernière rubrique, Les infiltrés, revient sur la problématique des ingérences étrangères, des élections américaines au Sahel. Comment la Russie et la Chine utilisent-elles la désinformation pour servir leurs intérêts ? Quels rôles jouent les nouvelles technologies et notamment l’IA pour permettre à ces États de perturber et affaiblir la démocratie ?

Cette guerre médiatique et idéologique a déjà lieu à l’intérieur de nos frontières, menée par l’extrême droite. Depuis l’avènement de l’empire des médias du milliardaire Vincent Bolloré, portant un projet politique aux relents racistes et islamophobes, le discours d’extrême droite est de plus en plus visible. Une parole qui bien souvent remet en cause les faits au profit d’un cadrage xénophobe et qui fait même peser des menaces physiques sur certaines rédactions. 

Pour ces raisons et suite aux élections européennes et législatives de 2024 qui ont vu l’extrême droite réaliser un score plus élevé que jamais, nous avons choisi d’enquêter sur les ressorts et les répercussions de la montée de ce courant dans les médias français. Nous avons voulu, à notre échelle, proposer une réflexion sur les digues à former contre une idéologie réactionnaire.

Dans cette 16e édition de La Fabrique de l’Info, nous assumons de désigner le Rassemblement national (RN) et sa rhétorique, souvent reprise dans les médias, comme : “d’extrême droite”. Un choix qui se base notamment sur la décision du Conseil d’État de désigner le RN sous ce qualificatif, mais aussi sur la définition de l’historien Nicolas Lebourg, qui décrit la mouvance comme cherchant à « régénérer une communauté unitaire autour de la nationalité ou de la race ».

À contrario, nous n’utilisons pas le terme « extrême gauche », en miroir, pour parler de l’autre côté du spectre politique, notamment en ce qui concerne La France Insoumise, conformément à la décision du Conseil d’État et soucieux de ne pas mettre sur un pied d’égalité des mouvances qui n’impliquent pas les mêmes atteintes à la démocratie. 

Dans six petits mois nous, étudiants de l’IJBA, serons tous et toutes plongé·es dans le métier. Pour la dernière fois, lors de ces deux dernières semaines nous avons donc pris le temps de réfléchir sur cette profession si souvent critiquée mais si nécessaire. Pris le temps d’analyser un métier frappé de plein fouet par des crises économiques et idéologiques. Plusieurs défis nous attendent pour les années à venir dans un monde marqué par les incertitudes, mais nous défendrons le journalisme comme un rempart pour la démocratie, « avant que le monde ne se défasse » comme l’écrivait Albert Camus.

Orianne Gendreau et Marius Joly, rédacteur·ices en chef·fes

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