L’EMI pour panser la fracture entre les milieux populaires et les médias ?

La semaine mondiale de l’éducation aux médias approche – du 23 au 25 octobre 2023 -, et, comme chaque année, elle viendra mettre un coup de projecteur sur un enseignement mouvant encore perfectible. Parce que oui, depuis plus de 40 ans, une poignée d’enseignant·es et de journalistes plaident – appuyé·es par une mission flash du gouvernement parue en février dernier – pour que l’Éducation aux médias et à l’information (EMI) devienne une « grande cause nationale ». Une cause qui serait, non plus transversale, mais ancrée dans les programmes scolaires de manière obligatoire ; pour que tous·tes les élèves puissent en bénéficier et développer un esprit critique vis-à-vis des médias.

Le travail du CLEMI – premier organisme du secteur créé en 1983 – sensibilise près de 400 000 élèves du premier et du second degré à l’usage des médias chaque année. Un effort considérable mais relativement marginal face aux 12 millions de jeunes présent·es dans les écoles, collèges et lycées de France. Et ce, alors que le gouvernement a doublé le budget alloué à l’éducation aux médias en 2018, passant de trois à six millions d’euros. La discipline prend également part, depuis 2015, au « parcours citoyen de l’élève », mais les acteur·rices de terrain regrettent un manque de moyens persistant pour faire de l’EMI une vraie priorité. On vous l’explique en détail dans un podcast à retrouver ci-dessous.

Du côté des jeunes, ils et elles sont nombreux·ses à entretenir un rapport complexe avec les médias, entre rejet et méconnaissance. Cette fracture est d’autant plus prégnante dans les quartiers prioritaires et certaines zones rurales, où le public ne se sent pas représenté, voire stigmatisé. À la télévision par exemple, les banlieues n’occupaient que 3% du temps d’antenne en 2022, et les villages, 15%, selon l’Arcom. Les jeunes du quartier de Palmer, à Cenon, regrettent la violence avec laquelle leur quotidien est dépeint et l’absence de dialogue avec les journalistes.

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Une représentation stigmatisante qui trouve un écho dans les paroles des élèves du lycée Jean Renou de La Réole, une petite commune de 4 000 habitant·es. Eux et elles aussi se sentent parfois oublié·es ou caricaturé·es quand ils et elles allument leur poste de télévision. La cassure est telle dans ces territoires qu’une question se pose sur le terrain : avant de panser les plaies de l’EMI, ne faudrait-il pas d’abord soigner la fracture entre les médias et la population ?

Anaëlle Cagnon @AnaelleCagnon
Luigy Lacides @luigy_lacides

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